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Black Sunday

Dimanche 24 août 2014

"Dimanche, jour du Soleil, jour de la lumière, jour de la résurrection, jour de Dieu.
Mon château est entouré de grands miroirs, et ses murs en font un palais redoutable... (mais pas infranchissable) Un barreau vous sert de sceptre et nous portons tous sur le front notre couronne de  barbelés...

La prison pourrait vous avoir tout repris, tout volé, tout confisqué; définitivement. Votre volonté de vivre et d'espérer. Vois joie. Vos tristesse. Vos doutes. Vos envies. Vos gourmandises. Vos appétits. Vos désirs. Vos souvenirs. Vos projets. Votre enfance. Vos sensations. Vos goûts. Vos rêves.
Elle aurait pu rendre en vous à tout jamais indélébiles, le chagrin, la haine, la rancoeur... Elle aurait pu vous rendre insensible, indifférent à la douleur des autres, tel-dans les contes de votre enfance - Hansel dans le palais de glaces de cette méchante fée qui lui avait planté un glaçon à la place du coeur. Vous auriez pu perdre le sens de la compassion, le sens du remords, le sens de l'autre et du pardon...

Et si vous êtes arrivé à ne pas glisser dans l'oeil insondable du gouffre qui borde vos pieds, si la prison ne vous a pas définitivement brisé bien avant de rompre vos chaînes, si la mort ne vous  pas griffé la gorge en vous étreignant il se peut alors que la prison vous ait rendu l'Essentiel.
Vous avez dû vivre le chemin de Croix du paria, l'exil du banni. 
Vous avez été lapidé par les mots, par les regards et par les souvenirs. La meule de la Justice des hommes vous a donné l'avant goût de la poussière dans laquelle finit toujours par se résorber toute aventure terrestre. Elle aurait pu vous inciter à la révolte décisive, au grand reniement de l'univers. Vous auriez pu devenir cette bête fauve dont le cynisme et la cruauté se forgent dans le carcan des murs à l'ombre des barreaux.
Mais en continuant à boire le vinaigre de la honte, jour après jour, à petites gorgées, pendant des années, en perdant au fil du temps carcéral les multiples accessoires de la vanité humaine, vous avez bien compris que l'homme commençait déjà à être lavé de ses fautes dès lors qu'il était rejeté par son clan et mis au ban du grand Cirque de l'humanité. La prison vous a dépouillé de vos Masques; elle a détruit votre carapace après avoir failli la renforcer. Elle vous a guéri de votre volonté de paraître et de domination; des ces scories de l'âme qui resteront derrière vous, incrustées dans la vermines des douches, inscrites dans la sueur des Caïds, ou fixées dans le regard des matons. Vos mains se sont ouvertes, votre s'est épanoui.

Au terme de votre détention, la levée d'écrou ne sera qu'une formalité presque incongrue: Vous irez alors rejoindre ces millions d'hommes et de femmes qui croient profiter de la VRAIE, LIBERTÉ, enchaînés dans leurs horaires et dans leurs hiérarchies, coincées dans le carcan de l'illusion du pouvoir et dans les sables mouvants de l'hypocrisie, pris au piège de l'IMAGE qu'ils se sentent condamnés à donner d'eux-mêmes pour avoir le sentiment d'exister.

Vous irez rejoindre vos semblables et vous découvrirez qu'ils sont en détention préventive sans le savoir et qu'ils balancent tous sans toujours se l'avouer entre l'attente angoissée du jugement dernier et la crainte stérile de la sanction absurde du Grand Néant...

(TAUL'ART)




No" d'écrou 25804

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